article original paru sur Weeklymail
- Le FMI : de la crise mondiale à la crise interne Dans les Echos du 17 juillet (version papier), nous apprenons, dans un encart en Une, que « Le FMI confirme la récession en Europe et assombrit sa vision de la croissance mondiale ». Pour l’institution « la croissance mondiale devrait s’établir à 3,5 % cette année. La zone euro devrait voir son PIB reculer de 0,3 % tandis que la croissance française ne serait que de 0,3 %. Le FMI a salué les résultats du sommet européen de 28 et 29 juin, mais appelle à des avancées supplémentaires » Dans l’article intitulé : « FMI : la croissance mondiale étroitement liée à l’avenir de l’Europe » (p6) Richard Hiault nous informe sur ces fameuses avancées supplémentaires : les mesures décidées lors de ce sommet « doivent être suivies d’avancées supplémentaires sur la voie d’une union bancaire et budgétaire. Parallèlement, les pays périphériques européens doivent tenir leurs engagements en matière de réformes structurelles, tandis que la BCE est appelée à assouplir encore sa politique monétaire. Il apparaît vital au FMI que la BCE « continue de fournir aux banques des liquidités abondantes ». Ce qui pourrait nécessiter l’adoption de mesures non conventionnelles, telles que la réactivation du programme de rachat de titres d’Etat ou encore la mise en place d’achat d’actifs de type assouplissement quantitatif ». (note de moi-même : l’assouplissement quantitatif permet de réduire les taux à long terme et faciliter l’emprunt…d’après ce que j’ai compris) Ce qui inquiète aussi le FMI à moyen terme est la situation américaine dont l’institution prédit un arrêt de la croissance en 2013 « si les dirigeants politiques ne s’accordent pas sur une prolongation d’allégements fiscaux temporaires et sur l’annulation de fortes compressions des dépenses automatiques, le déficit structurel des Etats-Unis pourrait diminuer de 4 points de pourcentage du PIB en 2013 » (propos du FMI rapporté par le journaliste). Le FMI a parlé. Le FMI a donné son avis. Le FMI a dit et dit ce qu’il faut faire. Qui oserait critiquer cette haute institution et la politique qu’elle met en place pour résoudre la crise européenne (et plus largement l’ensemble des crises qu’elle a eut à gérer) ? Personne. Personne ? Vous en êtes sûr ? Dans un article de l’Expansion.fr intitulé «Clash à la tête du FMI attaquée pour son “incompétence”», Louis Amar rapporte que « Peter Doyle, ancien membre du département européen du FMI chargé de la mise en oeuvre des plans d’aide en Grèce, en Irlande et au Portugal, vient de claquer la porte de l’institution. Dans un courrier daté du 18 juin dernier adressé aux dirigeants, cet économiste influent, qui a passé 20 ans au FMI, estime que l’organisation a trop tardé à avertir des dangers de la crise financière mondiale, et que la gestion actuelle continue de se détériorer. [...] Cette démission fracassante jette en tous cas le trouble sur la gestion, le rôle et la puissance du FMI, qui pour l’heure n’a pas encore fait de commentaires.» Cette lettre, cinglante, révélée par CNN, a été traduite par Okeanews (vous y trouverez aussi la version originale). La voici : « Département Européen » A Mr Shalaan, doyen du conseil d’administration du FMI Aujourd’hui, je me suis adressé au conseil d’administration pour la dernière fois - parce que je quitte le FMI. [les mots en gras sont du fait du site d'Okeanews qui a tenu à souligner les passages concernant la Grèce, seul pays cité dans cette lettre] - Une Europe coupée en deux Dans son édition du 20 et 21 juillet, Les Echos titrait en en Une : « Dette : l’Europe coupée en deux par les marchés », faisant le constat qu’il existe aujourd’hui deux catégories de dette séparant des pays ayant pourtant la même monnaie. Rédigé par Isabelle Couet, l’article « Les deux Europe de la dette » (p 22), résume ce constat : « L’ Union monétaire présente un fond de plus en plus désuni en matière de taux. Malgré les engagements du sommet européen de la fin juin, deux Europe se font désormais face avec, d’un côté les pays délaissés par les investisseurs – l’Europe du Sud – et, de l’autre, les émetteurs du Nord, qui font désormais tous office de valeurs sûres. » A titre d’exemple : «Pour emprunter à 5 ans, Madrid a été obligé de rémunérer les investisseurs à hauteur de 6,459 %, soit le coût de financement le plus élevé du pays depuis la création de l’euro. A l’inverse, Paris a offert un taux de seulement 0,86 %. Un record. Autre signe de la rupture, sur le marché secondaire, le taux à 10 ans français a touché son plus bas niveau, à 2,037 %, tandis que celui de l’Espagne a franchi à la hausse le seuil de 7%, considéré par beaucoup comme intenable. ». De fait : « […] les efforts de l’Espagne et de l’Italie ne sont en rien récompensés -, mais elle a l’avantage de faire baisser les coût d’emprunt d’un plus grand nombre de pays […] l’Espagne et l’Italie risquent d’avoir du mal à boucler leur programme de financement de 2012 » - «Mains en l’air, c’est un hold-up» Depuis la semaine dernière de nombreuses manifestations ont lieu en Espagne : ” [...] répondant aux mots d’ordre des syndicats ou des «indignés», ou alertés par les réseaux sociaux, des Espagnols de tous horizons se rassemblent quotidiennement dans les rues, portant les t-shirts jaunes des fonctionnaires de la Justice, verts de l’Education ou les blouses blanches des infirmières. Les architectes, sous une banderole «Non à la précarité», les chercheurs, avec une pancarte «moins de science, plus de pauvreté», le monde du spectacle, promenant un mannequin noir pendu avec l’inscription «théâtre public exécuté» étaient au rendez-vous jeudi. Dans la foule encore, des policiers en chemises noires, des pompiers casqués, promenant la maquette géante d’un hélicoptère rouge sur un chariot.” “Car le malaise des Espagnols, déjà soumis à de lourds sacrifices dans un pays en récession, étranglés par un chômage de près de 25%, est monté d’un cran face à ce nouveau tour de vis. «Nous ne pouvons rien faire d’autre que de descendre dans la rue. J’ai perdu entre 10% et 15% de mon salaire depuis quatre ans. Et les nouvelles mesures ne serviront pas à résoudre la crise», s’indigne Sara Alvera, fonctionnaire de 51 ans à la Cour des comptes, venue manifester avec son mari, employé dans le privé. Le gouvernement cherche ainsi à redresser les comptes publics : le budget 2012, d’une rigueur historique avec 27,3 milliards d’euros d’économies, n’a pas suffi et l’Espagne s’est vu imposer par Bruxelles des conditions draconiennes, en échange d’une aide à ses banques et d’un délai, jusqu’en 2014, pour ramener son déficit public à moins de 3%. Pour renflouer les caisses, c’est cette fois le pays tout entier qui va payer : renonçant à ses promesses, le chef du gouvernement de droite Mariano Rajoy a décidé une hausse de la TVA, qui devrait rapporter 22 milliards d’euros d’ici à 2014. Les fonctionnaires, qui ont déjà vu leur salaire réduit de 5% en 2010, puis gelé, perdent en 2012 leur prime de Noël, l’équivalent de 7% du salaire. Et les nouveaux chômeurs verront leurs indemnités réduites au bout de six mois.” (Libération.fr, Les Espagnols manifestent leur ras-le-bol face à l’austérité, AFP). - L’art pour comprendre la crise Dans un dossier intitulé “Comment l’art peut-il représenter la crise ?”, Le Monde du 20 juillet (version papier), par l’intermédiaire d’André Orléan, économiste, directeur d’études de l’EHESS et président de l’Association française d’économie politique, fait cet amer constat (p 16) : “Représenter la crise, c’est aussi rendre visibles les mécanismes qui produisent cette situation . En la matière la difficulté est grande, car l’économie capitaliste se présente masquée [...] La crise a beau être partout, elle n’a pas encore su conquérir nos imaginaires. [...] Montrer une courbe sur un écran est grandement insuffisant [...] Au fond, c’est une même difficulté que rencontre l’économiste ou l’artiste lorsqu’ils se trouvent face à la nécessité de représenter la crise. Ils doivent donner à voir comment une abstraction, la valeur économique, prend possession des individus, les assujettis à sa logique : le désir pour la monnaie. Il importe de noter que cette tâche, rendre la monnaie désirable pour faire advenir l’ordre marchand, ce fut d’abord celle des sociétés marchandes elles-mêmes. Il n’est que de songer à la manière dont ont été conçus les billets ou les pièces. On y inscrit des symboles puissants, aptes à provoquer de forts sentiments, car la monnaie doit impérativement apparaître comme légitime. Ainsi, l’économie est bien affaire de symboles, d’affects collectifs. La rationalité ne vient qu’en second. [...] Comprendre le capitalisme et sa crise, c’est mettre au jour ce jeu des représentations. Sur ce plan, les économistes peuvent apprendre beaucoup des artistes lorsqu’ils mettent en scène la logique des passions et des croyances“
Marine Bequet |